Tous les indicateurs plaident pour une paupérisation à court terme des personnes âgées. En cause : la démographie, la crise et la baisse du niveau des retraites amorcée au milieu des années 90.
En 2050, un Français sur trois sera âgé de 60 ans et plus, contre un sur cinq en 2005. Le vieillissement de la population est irréversible. Il est inscrit dans la pyramide des âges.
En revanche, la situation sociale des personnes âgées en 2050 n’est pas une donnée définitivement acquise. Pourtant, si l’on n’agit pas sur des leviers structurants de notre système économique et social, il est probable que celle-ci se trouve massivement et sensiblement dégradée.
Maraudes et hébergements d’urgence
Tous les indicateurs aujourd’hui actifs plaident pour une paupérisation à court terme des aînés. Une tendance projective dont s’est récemment ému le comité ALERTE, qui regroupe 37 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Toutes le constatent : la pauvreté gagne les tranches les plus âgés de la population. «Les personnes âgées sont de plus en plus nombreuses dans les maraudes, les hébergements d’urgence, les centres d’action sociale municipaux, les aides alimentaires, les EPHAD (Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)…», signale Olivier Bres, président d’ALERTE et secrétaire général de la Fédération de l’Entraide Protestante.
Réformes des retraites : scénarios caducs
Et cette situation devrait s’aggraver, sous les effets conjugués du vieillissement de la population, de la crise économique et de choix politiques inappropriés. En cause notamment, la baisse du niveau des retraites, effet à retardement des deux grandes vagues de réformes de 1993 et 2003 : calcul de la retraire sur les 25 meilleures années et non plus sur les dix meilleures, indexation sur la hausse des prix et non sur celle des salaires. «Les scénarios de base des réformes Balladur et Fillon sont caducs car ils reposent sur des taux de chômage à 4,6%», note Gilles de Labarre, président de Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC).
Minimum vieillesse en deçà du seuil de pauvreté
Contrairement aux idées reçues, et s’il reste meilleur qu’il y a trente ans, le niveau de vie des retraités a cessé d’augmenter depuis le mitan des années 90. En outre, la concentration du patrimoine sur un segment plus privilégié cache des inégalités criantes.
Quelque 600 000 personnes sont bénéficiaires du minimum vieillesse. Versée généralement en complément d’une faible retraite, cette allocation est la seule source de revenus pour 70 00 personnes, selon les statistiques ministérielles. Or, à 700 euros par mois, le minimum vieillesse est en deçà du seuil de pauvreté (900 euros), rappelle l’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale).
Des dépenses courantes trop élevées
Tout concourt à une logique d’amplification de la pauvreté.
Augmentation des dépenses courantes : logement (revalorisation limitée des allocations par rapport à la hausse des loyers), santé (alourdissement du reste à charge pour les assurés sociaux), énergie, produits de première nécessité, de consommation de base.
Minima sociaux n’ayant pas suivi l’évolution du seuil de pauvreté
Complexité des mesures d’aides : la lourdeur administrative rend l’accès aux aides difficile, voire impossible sans le soutien de tiers.
Arrivée à la retraite de personnes ayant connu de longues périodes de chômage. «15% des jeunes sortis de formation initiale connaissent une période de trois ans de chômage (non indemnisé)», souligne Gilles De Labarre, président de Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC). Et de rappeler qu’1,2 million de personnes vivent avec le RSA socle.
Deux âges fragiles : entre 50 et 65 ans et après 80 ans
Cette paupérisation va se cristalliser sur deux âges plus fragiles. «Entre 50 et 65 ans, des personnes arrivent à la retraite sans capital ni bas de laine, et sans accès à l’ASPA, ouverte à partir de 65 ans. Puis, à partir de 80 ans, les personnes se trouvant fragilisées par la perte du conjoint et le déclin de la mobilité ont tendance à s’isoler chez elles, sans solliciter de soutien extérieur», explique Jean-François Serres, secrétaire général des Petits Frères des Pauvres.
Les premières victimes de la paupérisation sont et resteront les femmes, qui ont plus souvent mené des carrières morcelées, au gré de postes à temps partiel. Et qui vivent et vivront plus longtemps que les hommes.
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