Le développement massif, partout dans le monde, des quartiers sécurisés pose des questions majeures quant à la définition des espaces publics.
Le constat est sans appel. Aux Etats-Unis, 10% à 30% des nouveaux lotissements reproduisent le modèle des quartiers résidentiels enclos des années 30. À Budapest, 70 parcs résidentiels « fermés » ont vu le jour entre 2002 et 2007. À Lisbonne, on en compte plus de 200. En Angleterre, le recensement de 2003 a permis d’identifier plus de 1 000 quartiers sécurisés. En Amérique latine, on assiste à une explosion d’espaces semi fermés. depuis une vingtaine d’années, les quartiers sécurisés, ou gated communities, fleurissent partout dans le monde.
Le phénomène gagne les classes moyennes
Ce qui était initialement une tendance immobilière réservée à des publics fortunés – et plutôt en fin d’activité professionnelle -, grignote des parts de marché parmi les classes moyennes, allant même, aux Etats-Unis notamment, jusqu’à gagner les zones d’habitat socialement défavorisées.
Cet essor massif des gated communities, s’il pose des questions majeures sur le plan social, interroge de manière assez radicale la définition des espaces publics, en termes de conception, de gestion et d’usage. Si la réflexion urbanistique plaide pour la perméabilité entre espaces publics et espaces privés, les pratiques n’évoluent donc pas nécessairement dans ce sens. On constate au contraire une étanchéité croissante et une multiplication des filtrages entre espaces publics et privatifs.
Propriété collective à gouvernance privée
Dans les quartiers sécurisés, les rues, les trottoirs, les parcs, mais aussi parfois les équipements publics deviennent propriété collective à gouvernance privée. Les dispositifs de sécurisation intègrent des niveaux de contrôle plus ou moins élevés : vidéo surveillance, gardiennage, accès badgés, portails électriques, plots rétractables sur la voierie, horaires de fréquentation…
En France, 13% des programmes immobiliers font état d’au moins un dispositif de contrôle (*). La tendance à la privatisation d’espaces publics est d’autant plus nette que ces zones sont de plus en plus nombreuses à intégrer des équipements sportifs et de loisirs (piscines, cours de tennis, parcs, espaces de jeux…). Ainsi, le phénomène induit également une reproduction des espaces publics à l’intérieur des zones privatives.
Pour les habitants de ces quartiers, sécurité et convivialité sont intimement mêlées. Ils apprécient l’agrément d’un environnement qui leur garantit le calme, la verdure, l’entre soi et une certaine homogénéité de la population. Mais reconnaissent également porter un regard souvent négatif et distant sur leur voisin…
(*) François Madoré, Gérard Billard, Jacques Chevalier et Fanny Vuaillat : Quartiers sécurisés, un nouveau défi pour la ville ? Éditions Les carnets de l’Info.