Le visage de la France dans 20 ans
Le Centre d’Analyse Stratégique livre une analyse prospective de l’environnement économique et démographique de la France à l’horizon 2030.
En se penchant sur les mutations du monde du travail à l’horizon 2030, le Centre d’Analyse Stratégique dessine un certain nombre de lignes prospectives quant aux évolutions démographique et économique de l’Europe et de la France, dans une perspective de chômage de masse persistant, d’accélération de la mondialisation et de diffusion des nouvelles technologies. Une analyse qui s’inscrit dans la lignée de précédents rapports réalisés par le Commissariat général du Plan en 1975 et en 1995.
Premier scénario : si les tendances actuelles se confirment, la population française dans vingt ans sera plus nombreuse et plus vieille qu’aujourd’hui. Croissance et vieillissement étant acquis dans toutes les variantes posées par l’Insee. La France métropolitaine comptera ainsi 68,5 millions d’habitants (6,7 millions de plus qu’en 2007), dont 29 % auront 60 ans ou plus (+ 7,5% vs 2007).
Les baby boomers à la retraite
Il y a là un défi pour le marché du travail. La séquence 2005-2025 devrait à la fois connaître des départs à la retraite massifs et l’arrivée sur le marché de générations moins nombreuses de jeunes. Sur la période, les départs vont augmenter fortement pour devenir quasiment aussi nombreux que les entrées dans la vie active. Ainsi, entre 2005 et 2015, les sorties devraient être multipliées par 1,5 par rapport à la période 1995-2005. À l’horizon 2020, les départs concerneront une personne sur trois parmi celles qui étaient en emploi en 2005.
La réforme des retraites de 2010, si elle va repousser de deux ans en moyenne la date des départs, ne modifiera pas leur volume annuel, hormis au début de la période d’application de la réforme, notamment en 2012 et 2013.
Dans une population mondiale d’âge actif qui devrait progresser de 25 % à 33 % par rapport à 2005, le poids relatif de l’Europe va continuer de diminuer dans les vingt prochaines années. La population active va cependant vieillir partout dans le monde, notamment en Chine où elle devrait accuser un net vieillissement au tournant de 2030.
Une immigration de plus en plus qualifiée
L’accentuation des déséquilibres démographiques devrait sensiblement impacter l’ampleur et la nature des migrations. La France est aujourd’hui le sixième pays mondial en nombre d’immigrants – en proportion de la population, ce sont les pays du Proche- Orient et du Golfe persique qui occupent le haut du tableau. Pour autant, précise le Centre d’Analyse Stratégique, l’immigration ne peut répondre qu’à la marge aux enjeux économiques du vieillissement en France. En outre, son poids sur la productivité du travail apparaît résiduel.
Un changement de tendance par rapport au scénario central de population de l’Insee (solde annuel positif de 100 000 entrées) aurait néanmoins des effets non négligeables sur la population active en France, l’immigration représentant 11 % de la main-d’oeuvre en 2006.
En Europe, les migrations de travail, qui proviennent essentiellement de pays émergents ou en développement, devraient incorporer de plus en plus de travailleurs qualifiés. Cette montée en qualification ne devrait toutefois pas réussir à modifier profondément la nature de la main d’œuvre immigrée, les flux de migration de la population active étant restreints depuis 1974. En outre, les diplômes, y compris de l’enseignement supérieur, ne sont pas nécessairement facilement transposables sur le marché français du travail.
La dette publique de la France pourrait s’accroître de 20%
Les contraintes financières des administrations publiques françaises (État, collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale) vont s’intensifier de manière drastique dans les vingt prochaines années. La crise de 2008-2009 aura ainsi particulièrement lesté la dette publique, qui pourrait s’accroître d’au moins 20 % durant les deux prochaines décennie si les pouvoirs publics ne s’attaquaient pas sérieusement au problème. Ce, même dans le scénario de croissance le plus favorable de l’Insee (rattrapage intégral de la perte de PIB liée à la crise à l’horizon 2018).
La place qu’occupera la France dans l’économie mondiale ne sera quant à elle pas profondément modifiée. Dans l’exercice de l’OCDE, la France se classe au 19e rang en termes de PIB par tête en 2010 et au 14e rang en 2030. Dans l’exercice de projection du CEPII, la place de la France reste stable (22e) entre 2008 et 2025.
Mondialisation, délocalisations, relocalisations
Les vingt prochaines années seront marquées par la poursuite du phénomène de mondialisation de l’économie et de la forte croissance forte des pays émergents. D’où, mécaniquement, un déclin relatif du poids des États-Unis, du Japon et de l’Union européenne dans l’économie mondiale, à la faveur d’un décentrage vers l’Asie, l’Amérique latine et, dans une moindre mesure, l’Afrique. Les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), qui représentaient 11 % du PIB mondial en 2008, devraient gagner 7 points en 2025.
La mondialisation modèle nécessairement la stratégie, la structure et l’organisation des entreprises. Les prochaines années devraient donner lieu à de nombreuses créations d’activité à l’étranger, la proximité avec les clients et la réduction des coûts salariaux constituant des enjeux déterminants, notamment pour les entités de plus de 250 salariés. Le transfert à l’étranger d’activités de production existantes devrait également se poursuivre : il pourrait concerner près de 16 % des entreprises industrielles, contre 12 % sur la période 2002-2007.
Ces évolutions pourraient toutefois se doubler d’un mouvement de relocalisations, résultante de la hausse des prix de l’énergie et des coûts de transports, ainsi que d’une demande des consommateurs pour des biens et services locaux et d’une volonté politique des pays développés de limiter les délocalisations.