Depuis cinq ans, le développement d’offres de services bancaires via téléphone mobile permet à des millions d’Africains de s’extraire de l’extrême pauvreté.

Le téléphone mobile, vecteur d’inclusion économique en Afrique sub-saharienne ? C’est ce que défend l’Economist Intelligence Unit (EIU) dans son rapport « Banking in Sub-Saharan Africa to 2020 ».

L’Afrique est le continent le plus sous-bancarisé du monde, avec une moyenne de 5 agences bancaires pour 1 000 habitants. L’institut estime à plus de 80% la part de la population exclue du système bancaire classique, faute de ressources ou de moyens accès aux infrastructures. Mais il décrit une importante marge de progression : entre 178% et 248% (soit 1 370 milliards de dollars) d’ici à 2020. En 2015, le marché du mobile banking sur l’ensemble du continent Afrique devrait peser 22 milliards de dollars.
Cette poussée tient à la conjonction de trois facteurs : la croissance économique, le besoin en services financiers de base et l’essor des technologies, notamment mobiles. Avec plus de 500 millions de téléphones mobiles en usage – près d’un Africain sur deux équipé-, le continent est en train d’opérer une importante mutation technologique.

M-Pesa : 30% des échanges d’argent au Kenya

Pour autant, selon l’EIU, les courbes de progression devraient imprimer de fortes disparités régionales, mécaniquement imputables à l’existant. Ainsi, dans des pays disposant de systèmes bancaires déjà relativement sophistiqués, comme l’Afrique du Sud, le Boswana ou la Namibie, les marges de croissance sont moins importantes que dans un pays très affaibli comme l’Angola.
En matière d’équipement en téléphonie mobile, l’Afrique sub-saharienne est en train de rattraper son retard. Plus de 40 % des Sud-Africains utilisent déjà l’opérateur de mobile banking MTN, lancé en 2005. D’autres modèles existent au Botswana, en Gambie et en Zambie. Au Kenya, plus de 75 compagnies utiliseraient le système M-Pesa, lancé en 2006 par Vodafone/Safaricom en partenariat avec la Commercial Bank of Africa pour collecteur les paiements 11,9 millions de personnes – soit 54% de la population adulte– qui ont réalisé près d’un tiers des échanges d’argent du pays.

Développement de réseaux sociaux

Mais le mobile banking ne sert pas uniquement au paiement. Il développe de plus en plus de fonctions assimilables aux réseaux sociaux. En juillet 2011, les utilisateurs de M-Pesa ont en quelques heures rassemblé près de 150 000 euros pour venir en aide aux victimes de la sécheresse qui paralyse l’Afrique de l’Est.
Le mobile banking permet également aux Africains ruraux ou périurbains d’avoir accès à des informations jusqu’alors réservées aux détenteurs d’abonnements Internet : cours des marchés, plates-formes d’achat… Le téléphone mobile a non seulement fonction de carte bancaire, mais aussi d’ordinateur.
En août 2011, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a annoncé un partenariat avec l’opérateur britannique Morvitu pour offrir des numéros de lignes mobiles à trois millions de personnes en grande pauvreté, principalement des femmes, en Afrique et notamment en Afrique du Sud.

Un marché à encadrer

Le mobile banking intéresse au plus haut point les opérateurs téléphoniques et bancaires, qui sont de plus en plus nombreux à nouer des alliances pour prendre des parts de marché. En juin 2011, la banque Ecobank et l’opérateur télécoms Airtel, deux des principaux groupes panafricains opérant sur le continent, ont annoncé un accord portant sur 14 pays et visant à terme les 44 millions de clients africains d’Airtel, dont la majorité ne dispose pas de compte bancaire.

Devant l’explosion du phénomène, aux pouvoirs publics de garantir de stricts critères d’encadrement. Une course à la sophistication des services, dans un contexte d’explosion du nombre d’abonnés, pourrait en effet donner lieu à des dérives contre-productives (surendettement, surendettement, blanchiment d’argent).

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Au sujet de Muriel Jaouën

Journaliste de formation (ESJ Lille, 1990), Muriel Jaouën publie régulièrement dans le magazine de Place-Publique. Ses spécialités : économie sociale, développement durable, marketing, communication, organisations, management.

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