FRR et Unedic : victimes collatérales de la réforme des retraites
Le glas pour le Fonds de réserve des retraites, l’inquiétude pour l’assurance chômage.
On s’est beaucoup focalisé sur le cœur de la réforme des retraites, à savoir le report de deux ans des bornes d’âge : 62 ans pour l’âge légal de départ, 67 ans pour une retraite sans décote.
On a également beaucoup discuté de la pénibilité, des carrières longues, des polypensionnés et des interruptions de carrière pour l’éducation des enfants. Les dossiers, d’ailleurs, ne sont pas clos.
On s’est aussi beaucoup intéressé au système de retraite à points, mais le législateur a privilégié la précipitation sur l’approfondissement, fixant un rendez-vous dans trois ans pour préparer – déjà – la réforme de la réforme.
Toutefois, il est des conséquences de l’actuelle réforme qui ont été peu évoquées, et qui reviendront dans l’actualité : la disparition programmée du fonds de réserve des retraites et l’incidence de la réforme sur la gestion de l’Unedic.
FRR : Un siphonage à 33 milliards d’euros
Le fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé en 2001 par Lionel Jospin, alors Premier ministre. Son rôle : permettre à la génération du papy-boom de créer elle-même des réserves pour ne pas reporter l’intégralité de la surcharge des retraites sur les jeunes générations. Comment ? Grâce aux dividendes tirés de placements financiers réalisés à l’aide de ce fonds. Un projet responsable, pour cimenter la solidarité entre les générations grâce à un travail d’anticipation.
Au départ, l’objectif consistait à ne pas utiliser ce fonds avant 2020, et à le doter de 300 milliards d’euros. Mais les grands sentiments, même lorsqu’ils font l’unanimité politique, se heurtent souvent à l’arithmétique de l’argent, surtout lorsqu’ils impliquent des engagements sur vingt ans. Le FRR n’a reçu qu’une partie des fonds (issus notamment des privatisations) qui devaient lui être alloués. En outre, la crise économique est passée par là, rabotant les actifs du fonds comme ceux de tout un chacun. Et même si une part (2%) des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et des placements vient l’abonder chaque année (1,5 milliards d’euros en 2009), il n’était doté en juin 2010 « que » de 33 milliards d’euros. Somme, malgré tout, non négligeable ! Et qui selon Olivier Ferrand, président du club de réflexion Terra Nova, aurait pu se transformer en 65 milliards en 2020 par le jeu des abondements et le cumul des intérêts des placements gérés par la Caisse des dépôts.
Mais le fonds ne survivra pas à la réforme des retraites. La tentation était trop forte de faire main basse sur cette cagnotte sans attendre dix ans supplémentaires. Eric Woerth, ministre du Travail, prévoit dans son projet de siphonner ce fonds, le détournant de sa mission qui consistait à amortir les effets d’un choc démographique. Et à partir de 2020, au plus fort du papy-boom lorsque les classes d’âge du baby-boom parviendront à l’âge de la retraite, le fonds sera épuisé. Alors que la réforme portée par le gouvernement est menée au nom de la défense des intérêts des générations futures, elle les prive au contraire d’un outil qui devait leur épargner une surcharge de retraite.
Le plus paradoxal, c’est que les projections établissent déjà qu’une nouvelle réforme devra être mise en place dans dix ans pour éviter le creusement de nouveaux déficits. Mais les réserves qui auront été asséchées ne pourront plus être reconstituées. Les 33 milliards du FRR auront juste permis de retarder l’introduction d’une véritable réforme. Une fort mauvaise gestion des fonds publics, qui consiste à vendre les bijoux de famille. Dans le détail, les ressources du FRR vont être affectées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) qui gérera les déficits des régimes de retraite. La Caisse des dépôts continuera de gérer les actifs qui seront cédés au fil de l’eau, pour le compte de la Cades.
Unedic : les seniors licenciés indemnisés plus longtemps
Pour l’Unedic, la réforme des retraites avec le report de deux ans de l’âge légal de la retraite introduit un nouveau paramètre qui compliquera l’équilibre de ses caisses. Si le déplacement des bornes d’âge doit réduire les charges d’indemnisation du régime des retraites, il va alourdir les charges d’indemnisation de chômage. Car pour les seniors exclus du monde du travail avant l’âge de la retraite (59 ans en moyenne aujourd’hui), l’Unedic va obligatoirement devoir les accompagner deux années de plus jusqu’à l’âge légal.
Pire : lorsqu’une personne ne dispose pas de la durée de cotisation nécessaire, elle continue d’être indemnisée jusqu’à l’obtention de l’intégralité de ses droits. La limite de cet accompagnement, qui était de 65 ans, sera repoussée à 67 ans comme le veut la réforme. Des sorties supplémentaires en prévision ! Selon des projections établies en interne, le coût de la réforme pour l’Unedic, atteindrait 230 millions en 2015 et 530 millions en 2017, pour un taux d’emploi inchangé à 60 ans.
Aussi, même s’il n’y a pas urgence compte tenu de la montée en puissance progressive de la réforme des retraites, on peut craindre des surprises en matière d’indemnisation et de réglementation de l’assurance chômage. Syndicats et patronat devraient aborder le sujet à l’occasion des négociations pour le renouvellement de la convention d’assurance chômage qui doivent s’ouvrir en novembre. La solution consiste à permettre aux travailleurs en fin de carrière de demeurer plus longtemps en poste, au lieu de les licencier pour réduire les masses salariales.
Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, met en avant une série de mesures comme l’aide à l’embauche des demandeurs d’emploi de plus de 55 ans, la création d’une offre « senior plus» à Pôle Emploi, le doublement de l’aide pour instaurer le tutorat dans les entreprises. Laurence Parisot, patronne du Medef, mise sur une révolution culturelle des entreprises elles-mêmes, et en appelle à une approche nouvelle de la formation. Ce qui explique qu’elle ait promptement saisi la perche que lui tendait François Chérèque de la CFDT pour ouvrir très vite le chantier de la formation des jeunes et des seniors.
Le problème est que rien ne pourra progresser sans que les employeurs ne révisent leurs critères de productivité. Les nombreux chantiers déjà ouverts sur la formation n’ont jamais abouti à des solutions à la hauteur des problèmes. Or, la situation va se tendre de plus en plus au regard de l’augmentation rapide des salariés de plus de 50 ans : 4,7 millions en 2000 représentant 20,5% de l’emploi total, 6,3 millions en 2008 pour 24% de l’emploi, et la tendance va se poursuivre d’après les statistiques de l’Institut national d’études démographiques).