Education: Erasmus pour tous
« Les budgets ne sont pas encore complètements prêts, ce que l’on sait c’est qu’Erasmus sera préservé » indique Geneviève Fioraso, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui s’est déplacée à Bruxelles le 9 janvier pour discuter avec ses partenaires européens du budget du programme Erasmus pour tous.
Après quelques menaces de restrictions alarmantes fin 2012, le budget européen alloué au programme Erasmus a été finalement rallongé pour la période 2013. Pour le programme Education et Formation Tout au Long de la Vie (EFTLV), dont fait partie Erasmus, un accord a acté le versement de 180 millions d’euros pour combler le reliquat 2012 et pour sécuriser une hausse de 2 % de crédits d’engagement au budget 2013. Rappelons que pour la période 2014-2020, la commission européenne a demandé un budget de 19 milliards d’euros pour Erasmus pour tous (en augmentation de près de 170 % par rapport au 7 milliards du budget précédent).
Geneviève Fioraso veut démocratiser les stages et séjours d’études Erasmus et les étendre aux filières technologique et professionnelles : BTS, IUT, licences pro et jeunes en alternance. « L’idée c’est d’élargir ERASMUS mais aussi de proposer un système de prêts remboursés sur un an. Je suis contre. J’ai demandé que l’on réduise la part dévolue à ces prêts à 2 % et qu’il y ait une évaluation. Il est crucial d’augmenter le volume dédié aux bourses »déclare-t-elle. Avec l’ensemble de ses collègues européens, la ministre rédige un courrier adressé au Président du Parlement Européen Martin Schultz.
Avec l’ensemble de ses collègues européens, la ministre rédige un courrier dans ce sens, adressé à la présidente de la commission culture et formation, la députée européenne allemande Doris Pack: « Nous rappelons trois principes : nous voulons élargir le socle d’Erasmus, nous ne sommes pas favorables au développement de ces prêts et nous nous opposons à ce que l’ensemble du programme s’appelle YES (Youth Education Support) Europe comme le suggère la députée européenne allemande Doris Pack. YES Europe ne sonne pas du tout européen, nous perdons cette notion de culture partagée que restitue bien le label Erasmus. Même mon collègue britannique David Willets a dit « no » à YES Europe ».
Développer l’intelligence de l’interculturel
« Le profil type des étudiants qui partent avec Erasmus est composé à 70 % de jeunes dont un des parents au moins a fait des études supérieures, ce qui veut dire qu’ils ont déjà voyagé et acquis les codes culturels et sociaux du voyage. Dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, les jeunes ont aussi besoin d’avoir acquis ces codes et sont issus, le plus souvent, de milieux modestes» poursuit la ministre qui voudrait doubler le nombre des étudiants en mobilité en France jusqu’à atteindre 50 000 au lieu de 21 000 à 35 000 actuellement. Les bourses couvrent une partie des frais occasionnés par le fait de vivre et de voyager à l’étranger lors de stages de fin d’études, de programmes d’études intensifs (3 mois à 12 mois) ou de programmes de cours de langues intensifs. L’augmentation de l’enveloppe budgétaire d’Erasmus devrait permettre aux régions et aux universités d’accorder des bourses plus élevées sur des critères plus sociaux, un point en cours de négociation pour l’instant. Quant aux prêts « masters », ils seront accordés à des conditions inférieures au marché par la Banque Européenne d’Investissement à des étudiants en master (12 000 euros pour un an ou 18000 euros pour deux ans). « Mais un étudiant qui n’a pas une famille fortunée peut déjà avoir souscrit à un prêt pour ses propres études et va hésiter à en prendre un autre. Ces prêts cumulés peuvent conduire à du surendettement » précise la ministre.
Renforcer les compétences linguistiques et professionnelles
« 1105 établissements d’enseignement supérieur français, universités, lycées (BTS) ou grandes écoles, sont détenteurs d’une charte universitaire Erasmus . La participation des écoles de commerce à la mobilité d’études représente 19,23 % de l’ensemble, celle des écoles d’ingénieurs, 13,90 %, quant à la mobilité de stage elle est respectivement de 14,36 % et 16,80 %» précise Lydie Lagouarde du GIP (Groupement d’Intérêt Public) 2E2F (Europe Education-Formation-France) situé à Bordeaux et qui distribue les financements pour Erasmus et les autres programmes de mobilité européenne (voir www.generation-erasmus.fr). Dans les écoles de commerce (HEC, ESSEC, ESCP etc…), les séjours à l’étranger sont quasiment la règle.
A Négocia, l’école de la CCI de Paris, les étudiants partent trois mois dès la première année, la troisième année à l’étranger est réservée aux meilleurs élèves. A l’EBS (European Business School) Paris, une école européenne et internationale de management qui offre un programme grande école en 5 ans après le Bac (délivrant un diplôme visé par l’Etat revêtu du Grade de Master), la dimension internationale est intégrée à l’ensemble des disciplines. L’ebs Paris, pionnière dans la création d’un modèle européen d’enseignement, est implantée dans 6 grandes villes européennes et a noué des partenariats avec 80 universités étrangères. Elle forme depuis 1967 des managers internationaux dans les métiers du marketing, du commerce, de la gestion, de la finance, de la communication et de l’internet. Spécificité de l’EBS, chaque étudiant passe au moins 3 semestres à l’étranger pendant sa scolarité. La troisième année est celle de l’expatriation. Les étudiants peuvent choisir un parcours trilingue (2 pays / 2 langues) comprenant stage international et semestre d’études ou bien bilingue (1 pays / 1 langue) dans le cadre du Bachelor international. En 5è année, ils peuvent réaliser un stage de 6 mois ou suivre un semestre académique à l’étranger.
Cette ouverture et cette mobilité sont des atouts pour trouver un premier emploi : 35 % des étudiants de la promotion 2011 avaient un contrat signé avant la fin des études, 31 % deux à 4 mois plus tard et 10 % dans les six mois (dont 75 % en CDI et 15 % en CDD). Les écoles d’ingénieurs intègrent aussi la dimension internationale. Pour ne citer qu’un exemple, à l’IFMA, (Institut Supérieur Français de Mécanique Avancée) de Clermont-Ferrand, 100 % des jeunes font un stage de 5 mois dans un pays non francophone, ce qui améliore leur employabilité, y compris hors de l’hexagone. Pour ceux qui viennent de quitter l’IFMA en 2012, 41 % étaient déjà embauchés avant d’être diplômés.
Sciences-Po : une forte orientation à l’international
A Sciences Po Paris, quel que soit le campus, tous les étudiants, lors de leur 3e année, partent à l’étranger, soit pour un séjour d’études dans l’une des 350 universités partenaires soit pour un stage en entreprise ou dans une administration publique telle qu’une ambassade, par exemple. Elodie Nowinski, en charge des programmes internationaux à la Direction des études et de la scolarité de Sciences Po précise que « les étudiants partent en général vers une destination dont ils maîtrisent déjà la langue, pour les étudiants du campus de Paris, les pays anglophones ou hispanophones sont parmi les plus plébiscités. Pour le campus du Havre centré sur l’Asie, la Chine est la première zone de départ. Ils peuvent y apprendre la langue sur place et en reviennent souvent avec une excellente maîtrise linguistique. Même chose pour le campus de Menton centré sur le Moyen-Orient et la Méditerranée. De même, dans les écoles comme la MGIMO à Moscou, spécialisée en économie et relations internationales, les étudiants y prennent souvent des cours intensifs de russe et en reviennent bilingues. »
Cette forte orientation internationale a été largement développée par l’ancien directeur, disparu en avril dernier, Richard Descoings, et est mise en œuvre notamment par la Direction des affaires internationales et des échanges (DAIE), où travaillent une vingtaine de personnes, sous la direction de Francis Vérillaud. « Les accords d’échange sont signés par la DAIE qui supervise également la répartition des étudiants français dans les divers partenariats. Chaque étudiant formule 6 choix et est affecté en fonction de ses résultats scolaires, mais aussi en fonction de la pertinence de la destination demandée par rapport à son projet universitaire, précise Elodie Nowinski. La majorité des étudiants obtiennent l’un de leurs trois premiers choix. Leur sont proposées des universités de la prestigieuse Ivy League américaine comme Columbia University mais aussi la Universidad Autonoma Nacional de Mexico (UNAM) ou encore l’une des meilleures universités de l’Asie du Sud Est comme la National University of Singapore. Sciences Po est bien évidemment titulaire d’une charte universitaire Erasmus et envoie une grande partie de ses étudiants aux quatre coins de l’Europe. » En plus des bourses européennes, Sciences Po, grâce au Fonds de Mobilité, aide financièrement au départ bon nombre d’étudiants pour que le choix de destination ne soit pas fait en fonction du budget mais bien de leur projet universitaire.
Pour chaque place dans une université à l’étranger, Sciences Po reçoit autant d’étudiants internationaux, venant de ces institutions partenaires. « Ces étudiants, environ 1000 par semestre, sont intégrés à la deuxième année du Collège Universitaire. Ils peuvent rester un semestre ou deux. Lorsqu’ils arrivent, leur est proposé un logement à la Cité Universitaire pour un mois, afin qu’ils puissent prendre le temps de trouver un appartement dans le parc privé », rappelle Elodie Nowinski, qui ajoute, cette fois en tant qu’enseignante en histoire contemporaine dans la maison, « Ces étudiants sont une véritable chance pour Sciences Po car ils apportent leurs différences et richesses culturelles mais surtout, ils peuvent aussi éclairer le choix des étudiants français qui partiront l’année suivante poursuivre leur cursus à l’étranger pour un an d’immersion totale ».
Science-Po est aussi adhérente de Campus France qui a pour mission de promouvoir le système éducatif dans le monde. Plus de 130 établissements publics et privés le sont également : écoles d’ingénieurs, 19 écoles de gestion et de management (HEC, EAP, ESSEC, L’ESCP, etc…). Etre membre de Campus France permet de développer des échanges sur l’ensemble de la planète à travers les 130 délégations qui facilitent des procédures dématérialisées pour les étudiants étrangers (dépôt des dossiers dans les différents établissements français, obtentions des papiers, aides financières etc…). La France est l’un des leaders européens pour les programmes Erasmus Mundus (finance des cursus intégrés, de niveau master et doctorat, de très grande qualité académique et ouverts aux étudiants et enseignants du monde entier) et Tempus (soutient la modernisation des systèmes d’enseignement supérieur des pays partenaires des Balkans occidentaux, de l’Europe orientale, de l’Asie centrale et de la Méditerranée). Alors que la France accueille déjà 32 000 étudiants marocains et 30 000 algériens, le gouvernement réfléchit à l’élaboration d’un projet Erasmus Méditerranée (1). Il s’accompagnerait d’une plus grande flexibilité des visas pour les périodes de stages ou d’études.
(1) http://www.lejdd.fr/International/Maghreb/Actualite/Un-Erasmus-mediterraneen-et-des-procedures-de-visa-plus-fluides-annonce-Hollande-en-Algerie-582005.
Plus de 230 000 étudiants européens partent étudier chaque année dans un autre pays d’Europe grâce au programme Erasmus. Depuis 1987, ce sont 2,5 millions d’étudiants européens qui sont ainsi partis faire une année d’étude ou un stage à l’étranger dans l’un des 4000 établissements répartis sur 33 pays. Leur nombre pourraient doubler dans les années qui viennent et atteindre 5 millions dans le cadre du nouveau programme Erasmus pour tous.