Concevoir des bâtiments qui s’inspirent et imitent les éléments de l’environnement dans lequel ils sont situés. De plus en plus souvent, les architectes regardent la nature non seulement comme un lieu dont il faut tenir compte et protéger mais aussi comme un modèle à suivre.

« La nature est toujours en état de flux, ce n’est pas un système figé, c’est pourquoi il est intéressant de s’en inspirer. Nous voulons comprendre sa logique, de façon à rendre plus efficaces les bâtiments dans une optique de développement durable ». Telle est l’approche de Thomas Knittel, spécialiste du design durable au sein de l’un des plus grands cabinets d’architectes basé à New-York, HOK. Et d’expliquer dans la revue Harvard Magazine (1) comment en imaginant la construction d’un immeuble, dans le désert, le cabinet s’est inspiré des cactus, dont les branches verticales fonctionnent comme un dispositif d’ombre propre ce qui permet de réduire nettement l’usage de l’air climatisé.

Le biomimétisme a désormais droit de cité dans l’univers de la construction et de l’urbanisme : « Nous sommes convaincus que non seulement cela va nous aider à réduire l’impact environnemental de nos projets mais que cette approche nous permettra de définir une nouvelle approche de l’habitat dans notre profession » explique t-on chez HOK.

Ce terme de biomimétisme (« biomimicry », en anglais) a été lancé par deux biologistes, Janine Benyus et Dayna Baumeister, qui ont crée, il y a un peu plus de dix ans, la société Biomimicry Guild, pionnière dans ce domaine…

Cette discipline consiste à observer les plantes, les animaux, les micro-organismes, à repérer les meilleures « trouvailles » de la nature. Il s’agit d’utiliser des connaissances approfondies en biologie pour aider des designers, ingénieurs, architectes, à trouver des solutions innovantes en termes de développement durable. « Les organismes vivants sont les champions en durabilité : ils ont trouvé ce qui marche, ce qui résiste. Les procédés inventés par la nature sont incroyablement nombreux. Cette dernière a déjà résolu par nécessité nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés, qu’il s’agisse d’énergie, de contrôle du climat, de gestion de l’eau… » explique t-on

HOK a d’ailleurs signé un partenariat exclusif avec the Biomimicry Guild…Les deux sociétés travaillent ensemble depuis plusieurs années sur le projet de ville nouvelle de Lavasa, en Inde, afin de voir comment y intégrer les principes du biomimétisme. En s’alliant avec l’un des plus grands cabinets d’architectes, une dimension nouvelle est donnée à cette approche. « Elaborer un produit bio-inspiré est une chose ; concevoir une ville bio-inspirée participe au fait de changer le monde » précise Janine Benyus. L’environnement ainsi dessiner doit s’insérer dans la végétation et la topographie des lieux en respectant le développement durable dans tous les aspects de la construction de la ville.

Dans le cas de Lavasa, il s’agit d’une région où les moussons font chaque année d’importantes inondations. Pendant trois mois les terres sont inondées, mais ensuite la zone reste aride le reste de l’année. Les deux partenaires ont étudié l’écosystème actuel et conclu que le paysage aujourd’hui aride était autrefois une forêt humide. “Initialement les arbres maintenaient la qualité du sol gardant l’eau pour la saison sèche et canalisaient l’évaporation de l’eau. Leur idée : utiliser ce même principe pour concevoir un système dans les fondations de bâtiments qui conserve l’eau comme les arbres le faisaient sur ce site autrefois.

Par ailleurs, les toits de cette nouvelle ville s’inspirent aussi des arbres : la morphologie étonnante de la feuille du figuier des banians très répandu en Inde, en forme de lance, canalise les eaux de ruissellement. A partir de ce modèle HOK a développé un système de tuiles afin de faire ruisseler et de récupérer l’eau. Quant à l’évacuation du surplus d’eau pendant les inondations le cabinet s’est inspiré du système mis en place par les fourmis locales. “Pendant la saison des pluies la question est où envoyer le surplus d’eau; celles-ci dévient le surplus d’eau de leur fourmilière par un réseau très dense de très nombreux petits canaux. Le plan de la ville adoptera donc la stratégie des fourmis pour évacuer l’eau durant la moisson !

Dans un autre projet en Corée cette fois, à New Songdo City, HOK s’est inspiré de la structure de la ruche, pour un concevoir plusieurs bâtiments en torsion. Le biomimétisme concerne tant des projets à grande échelle, implantation de villes que l’élaboration de produits de tous les jours, dans la mise au point des techniques de lumière, de peintures, de toitures végétales… Pour la Biomimicry Guild les applications sont infinies, la nature a juste 3,8 milliards d’années d’expérience dans le domaine ! Ces principes doivent nous guider : auto assemblage, optimisation plutôt que maximisation, pollinisation …

(1) Harvard Magazine, septembre-octobre

Au sujet de Estelle Leroy

Estelle Leroy-Debiasi est journaliste professionnelle, Diplômée en Economie, ex rédactrice en chef du quotidien économique La Tribune. Elle contribue régulièrement au site ElCorreo, site de la diaspora latinoamericaine.

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