Population mondiale : une croissance qui se ralentit grâce à l’Afrique subsaharienne
par Pierre Le Roy
ancien élève de l’ENA et haut fonctionnaire est spécialiste des questions agricoles et de développement. Auteur de « L’histoire de l’agriculture française, de 1867 à nos jours » (SAF-agr’iDées. 2016) il a crée l’indice du bonheur mondial (globeco.fr).
La division « population » de l’ONU publie tous les deux ans un rapport consacré à l’évolution de la population mondiale à horizon 2050 et 2100, rapport intitulé en Anglais « world population prospects ». C’est de loin le meilleur document qui existe sur ce sujet controversé : présentation claire, résumés pertinents, statistiques nombreuses et bien ordonnées.
Tous les deux ans, je mets néanmoins en doute les conclusions de cette étude, concernant 2100, et je crois bon de renouveler ces critiques à propos de l’édition 2017 qui vient de paraître. En effet, les experts de l’ONU insistent cette année, comme lors de la dernière révision, sur le fait que, comme par miracle, le taux de fertilité des femmes se situera en 2100 dans toutes les parties du monde entre 2 et 2,1 enfants par femme, c’est-à-dire au niveau permettant la stabilisation de la population mondiale autour de 11 milliards d’habitants en 2100. Est-il vraiment possible et raisonnable de faire des prévisions pour un horizon aussi lointain ? Je préfère pour ma part m’attacher à l’analyse des prévisions pour 2050, qui sont évidemment beaucoup plus fiables. Concernant cette échéance, les principales conclusions de cette étude sont les suivantes, en sachant que nous retenons uniquement la prévision « medium » de l’ONU :
1 – La population mondiale devrait être de l’ordre de 9,8 milliards d’habitants en 2050, soit 2 milliards d’habitants de plus qu’en 2020, étant entendu que la moitié de cette croissance viendra d’Afrique subsaharienne qui passera dans le même temps de 1,2 à 2,2 milliards d’habitants. En pourcentage, la croissance annuelle de la population mondiale, qui était de 1,24 % il y a dix ans, n’est plus que de 1,10 % aujourd’hui, soit + 83 millions d’habitants par an.
2 – Dès 2024, la population de l’Inde dépassera celle de la Chine. En 2050, les pays les plus peuplés seront l’Inde (1 659 millions), la Chine (1 365), le Nigeria (411), les Etats-Unis (390) et le Pakistan (307).
3 – Les pays dont la population va diminuer de plus de 15 % d’ici à 2050 sont tous situés en Europe de l’Est ou dans les pays baltes : il s’agit de la Bulgarie, de la Croatie, de la Lituanie, de la Lettonie, de la Pologne, de la Moldavie, de la Roumanie, de la Serbie et de l’Ukraine
4 – L’espérance de vie à la naissance passera de 71,9 en 2015 – 2020 à 76,9 ans dans le monde en 2045 – 2050 (+ 5 ans), et elle évoluera encore plus favorablement en Afrique, passant au cours de la même période de 62,4 ans à 70,9 ans (+ 8,5 ans). Voilà un domaine où la fracture mondiale continuera à se réduire !
Une fécondité en forte baisse en Afrique
Toutes ces « prévisions » sont faites essentiellement à partir d’un pronostic sur le rythme de diminution du taux de fécondité des femmes. Les éléments pris en considération dans ce domaine sont les suivants : le taux de fécondité des femmes dans le monde passera de 2,47 en 2015 – 2020 à 2,24 en 2045 – 2050. Ce chiffre résulte de deux évolutions contradictoires : une remontée de ce taux de fécondité dans certains pays développés, passant par exemple de 1,6 à 1,8 en Europe durant la même période, et une continuation de la diminution dans la plupart des autres pays, notamment en Afrique où les chiffres correspondants passeront de 4,43 à 3,09. Cette baisse du taux de fécondité des femmes dans les pays où elle est la plus élevée provient essentiellement de l’amélioration du niveau de vie et de la progression de la scolarité des filles. Résultat : alors que 46 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans des pays dont le taux de fécondité est inférieur à 2,1, niveau nécessaire pour que la population se renouvelle à l’identique, ce chiffre sera de 69 % en 2045 – 2050. Les pays dont le taux de fécondité restera particulièrement élevé, mais inférieur à 5, sont tous des pays d’Afrique subsaharienne : Nigeria, RD Congo, Tanzanie, Ouganda, soit des pays dont la population déjà élevée connaîtra une augmentation importante. Il suffirait que, grâce à une amélioration du niveau de vie et à la scolarisation des filles, le taux de fécondité des femmes dans ces pays diminue plus vite que prévu, ce qui n’est pas impossible, pour que la population mondiale en 2050 soit plus proche de 9 milliards que de 10 milliards. On se demande par ailleurs s’il est raisonnable de penser, comme le font les experts de l’ONU, que le taux de fécondité des femmes dans certains pays développés se mettra à remonter …
Nous serons sans doute près de 10 milliards en 2050, mais ce chiffre est peut-être surestimé, dans la mesure où le pire n’est jamais sûr : que l’Afrique subsaharienne connaisse un surcroît de développement, ce qu’il faut souhaiter, et nous pourrions ne jamais atteindre ce chiffre !