Appel pour l’Ukraine

L’Ukraine vit des heures angoissantes. L’armée russe, forte d’un budget militaire de 106 Md€ qu’elle veut porter à 135 Md€ en 2025, poursuit son invasion au prix de dizaines de milliers de morts et de la destruction systématique des infrastructures vitales de l’Ukraine : ses centrales énergétiques, ses hôpitaux, ses usines. Malgré la résistance héroïque des Ukrainiens, elle gagne du terrain grâce aux demi-mesures et aux retards de l’aide apportée par leurs alliés, qui se gardent bien de désigner la seule issue admissible de cette guerre : le retrait de la Russie dans ses frontières.

Paralysés par le « chantage au nucléaire » de Vladimir Poutine, Joe Biden et les dirigeants occidentaux ont livré à contretemps des armements en quantité et de portée limitées, sans procurer à l’Ukraine les moyens de la victoire. Préoccupés avant tout par le souci de ne pas concourir à une « escalade », ils ont laissé le Kremlin franchir successivement toutes les étapes de la surenchère militaire, jusqu’à l’arrivée ces derniers jours de 10 000 soldats nord-coréens, couronnée par l’emploi de charges chimiques et d’un missile balistique hypersonique.

Tétanisés par les rodomontades de Donald Trump, les gouvernements européens se préparent-ils mezza-voce à accepter, avec un lâche soulagement, que la nouvelle administration américaine négocie un accord de cessez-le-feu au détriment de la volonté. ukrainienne ?

La trahison de l’Ukraine signerait l’arrêt de mort du projet européen : triomphant aujourd’hui, Poutine reprendrait dans deux, cinq ou sept ans ses guerres de conquête contre l’Ukraine, mais aussi la Géorgie, la Moldavie ou les Pays baltes. L’ensemble du continent glisserait vers l’abîme. Notre sécurité, nos libertés et nos valeurs sont directement menacées. Il faut donc agir, vite.

L’OTAN est suspendue au bon vouloir de la Maison blanche. L’Union européenne se heurte à l’indécision et la pusillanimité de certains chefs d’État et de gouvernement et au double jeu du premier ministre hongrois Viktor Orban. C’est pourquoi, si l’OTAN ne prenait pas ses responsabilités dans les deux mois à venir pour inviter l’Ukraine à rejoindre l’Alliance atlantique, nous en appelons à la prompte mise en place d’une coalition des États européens volontaires ─ qu’ils soient ou non membres de l’UE (comme le Royaume-Uni ou la Norvège).

Cette coalition pourrait très rapidement s’accorder sur un ensemble de mesures :

1. Assurer le financement de l’armement nécessaire, réclamé par Kyiv, en confisquant et transférant à l’Ukraine les 240 Md€ d’avoirs de la Banque centrale de Russie actuellement bloqués en Europe (le prêt en cours de l’Union européenne pouvant, quant à lui, reposer sur d’autres garanties). Compte tenu de l’ampleur des besoins du pays ruiné par la guerre d’agression (évalués par la Banque mondiale à 483 Md$ au 1er janvier 2024), cette confiscation est non seulement permise par le droit international, mais l’urgence la justifie. Cela raffermirait aussi la souveraineté collective européenne sur la scène internationale.

2. Protéger le ciel et la frontière Nord de l’Ukraine :

– En autorisant les Ukrainiens à frapper en Russie, avec les armes que nous leur procurons, tous les sites militaires d’où partent les attaques de Moscou ;

– En fournissant une quantité significative de batteries et de vecteurs anti-aériens, afin d’arrêter la destruction des infrastructures civiles ;

– En neutralisant avec le concours de nos forces aériennes et antiaériennes, depuis l’espace européen, les missiles et drones à moyenne et longue portée lancés contre les villes ukrainiennes ;

– En envoyant une force d’intervention, réunie par la coalition des pays volontaires, chargée d’assurer la logistique (formation, maintenance et réparation, déminage, soutien médical et sanitaire) et de protéger la frontière de l’Ukraine avec le Bélarus. Cela permettrait aux troupes ukrainiennes immobilisées sur ces positions de rejoindre le front. Cette présence défensive serait la meilleure réponse à l’implication aux côtés des forces russes de troupes du régime totalitaire de Kim Jong-un et le signe de notre détermination, susceptible de dissuader Poutine d’aller plus loin.

3. Refuser tout accord de paix qui ne prenne pas en compte :

– la dimension humaine (et pas seulement territoriale) de l’invasion russe : aucun Ukrainien ne doit être retenu contre son gré en Russie ou dans les territoires occupés. Le retour en Ukraine des populations déportées par l’armée russe, dont des dizaines de milliers d’enfants kidnappés, n’est pas négociable ;

– la sécurité de l’Ukraine, à laquelle ne peut être imposé le statut d’État démilitarisé ou neutre. Les pays membres de l’OTAN doivent l’inviter à rejoindre l’Alliance, comme le demande Kyiv, et placer les territoires sous contrôle ukrainien sous son égide dès 2025.

Quoi qu’en dise la propagande du Kremlin, aucune de ces mesures n’implique d’entrer en guerre avec la Russie. Leur coût est limité. Elles sont vitales pour un pays qui défend sa liberté et protège les nôtres.

Premiers signataires :

Sylvie Rollet, présidente de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre

Pierre Raiman, historien, co-fondateur de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté

et la nôtre

Galia Ackerman, historienne, rédactrice en chef de « Desk Russie »

Julien Bayou, avocat, ancien député

André Gattolin, universitaire, ancien sénateur

Emmanuel Wallon, professeur émérite de sociologie politique à l’université Paris-X.

Envoyez vos signatures à appelpourlukraine@gmail.com

Au sujet de Initiative Citoyens en Europe

ICE (Initiative Citoyens en Europe) est une association, née en 1989. Elle est, à l’origine, le produit de l’adhésion d’hommes et de femmes libres qui ne conçoivent pas de vivre en Europe sans tisser des liens de solidarité élémentaires entre européens.

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